Astreintes : la Cour de cassation précise les critères de requalification
Un arrêt du 14 mai 2025 rappelle qu’une astreinte peut devenir du temps de travail effectif si les contraintes subies limitent réellement la liberté du salarié.
Dans un arrêt rendu le 14 mai 2025 (n° 24-14.319), publié au Bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation revient sur la distinction entre astreinte et temps de travail effectif, en exigeant une appréciation rigoureuse des contraintes subies par le salarié pendant ses périodes d’astreinte.
En l’espèce, un salarié engagé comme cuisinier par une société d’hôtellerie était logé sur place et assurait en moyenne quatre nuits d’astreinte par semaine, du vendredi soir au mardi matin.
À la suite de son licenciement, il avait saisi la juridiction prud’homale en soutenant que ses périodes d’astreinte devaient être intégralement requalifiées en temps de travail effectif.
La cour d’appel de Poitiers avait limité les rappels de salaire, considérant que les interventions réelles étaient peu nombreuses, notamment en raison de l’existence d’une borne d’accès automatique permettant aux clients d’accéder à l’hôtel sans solliciter le salarié. Elle avait toutefois reconnu que le salarié était régulièrement amené à intervenir, en raison de la vétusté des installations.
La Cour de cassation censure cette décision.
Elle rappelle que la qualification de temps de travail effectif ne dépend pas seulement du nombre d’interventions, mais de l’intensité des contraintes pesant sur le salarié. Elle exige que les juges du fond vérifient si ces contraintes ont objectivement et très significativement limité la liberté du salarié de vaquer à ses occupations personnelles pendant les périodes concernées.
En l’occurrence, la Cour relève que le salarié soutenait que son numéro figurait sur la borne d’accès, ce qui était susceptible d'entraîner des sollicitations constantes. Le défaut d’analyse de cette donnée par la cour d’appel constitue une absence de base légale.
Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 9 mars 2021, C-344/19), selon laquelle une période d’astreinte peut être considérée comme du temps de travail effectif dès lors que les contraintes qu’elle implique empêchent le salarié de gérer librement son temps.
La décision invite les employeurs, notamment dans les secteurs soumis à des régimes d’astreinte réguliers, à évaluer de manière précise les conditions d’exercice de ces périodes et à ne pas les sous-estimer dans le décompte du temps de travail ou la rémunération.
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