Procédure rupture conventionnelle : Guide pratique avec jurisprudence récente.
Procédure rupture conventionnelle, guide pratique, conditions, jurisprudences , check-list anti-nullité, délais, indemnité de rupture, fiscalité et pièges à éviter.
La rupture conventionnelle, prévue par les articles L.1237-11 à L.1237-16 du Code du travail, permet à l’employeur et au salarié de mettre fin d’un commun accord à un CDI. Elle ouvre droit à une indemnité spécifique (art. L.1237-13) et aux allocations chômage, sous réserve du respect strict de la procédure.
Souple mais encadrée, ce mode de rupture est fréquemment contesté devant les juridictions prud’homales, notamment pour vice du consentement ou irrégularité formelle. La Cour de cassation a récemment précisé ses contours, rappelant que la loyauté des négociations est une condition essentielle de validité.
I. Les conditions de validité et le cadre légal
Un dispositif réservé au CDI
La rupture conventionnelle est exclusive aux contrats à durée indéterminée (art. L.1237-11). Elle est impossible pour les CDD, contrats d’apprentissage ou d’intérim. Elle ne peut intervenir pendant la période d’essai, mais reste admise pendant une suspension du contrat (arrêt maladie, congé maternité, parental, sabbatique), à condition que le consentement soit libre et éclairé.
Le principe d’un consentement libre et éclairé
Le consentement est la pierre angulaire du dispositif. La convention est nulle en cas de violence, de dol ou d’erreur (art. 1130 et s. Code civil, applicables au droit du travail).
Le consentement doit être parfait, tant du côté du salarié, que de celui de l'employeur :
Cass. soc., 1er mars 2023, n° 21-21.345 : nullité d’une rupture conventionnelle conclue dans un contexte de harcèlement moral, le consentement du salarié étant vicié par une violence morale.
Cass. soc., 15 nov. 2023, n° 22-16.957 : le simple fait de proposer une rupture conventionnelle alors qu’une procédure disciplinaire est envisagée n’emporte pas contrainte, sauf menace caractérisée.
Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817 : dol du salarié qui dissimule un projet concurrent → nullité imputée au salarié, la rupture produisant les effets d’une démission avec restitution de l’indemnité.
Pour les salariés protégés (membres élus du CSE, délégués syndicaux), l’article L.1237-15 exige une autorisation préalable de l’Inspection du travail, la simple homologation DREETS étant insuffisante.
II. La procédure de rupture conventionnelle
L’entretien obligatoire
Au moins un entretien doit se tenir entre l’employeur et le salarié (art. L.1237-12). Le salarié peut se faire assister par un membre du personnel ou, à défaut d’instances représentatives, par un conseiller du salarié. L’absence d’entretien préalable est un motif de nullité (Cass. soc., 1er déc. 2016, n° 15-21.609).
La convention écrite
Les conditions de la rupture sont consignées dans le formulaire Cerfa n°14598.
Doivent figurer la date envisagée de rupture (qui ne peut intervenir avant homologation) et le montant de l’indemnité spécifique (art. L.1237-13).
La remise d’un exemplaire signé au salarié est obligatoire, faute pour l’employeur de pouvoir produire un justificatif de remise de la rupture conventionnelle, celle-ci encoure la nullité. (Cass. soc., 16 mars 2022, n° 20-22.265)
Le délai de rétractation
Chaque partie dispose d’un délai de 15 jours calendaires à compter du lendemain de la signature (art. L.1237-13 al. 4). La rétractation se matérialise par une lettre écrite, idéalement en recommandé ou remise en main propre contre décharge.
La rupture conventionnelle est nulle en cas de non-respect du délai de rétractation, notamment lorsque celle-ci a été antidatée. (Cass. soc. 6-12-2017 n° 16-16.851).
L’homologation par la DREETS
La convention doit être transmise pour homologation (art. L.1237-14). L’administration dispose de 15 jours ouvrables pour vérifier le respect des conditions légales. Son silence vaut homologation tacite. En cas de refus, le contrat se poursuit.
L'articulation avec d’autres modes de rupture
La jurisprudence est récemment intervenue pour préciser les modalités d'articulation entre rupture conventionnelle et d'autres modalités de rupture du contrat de travail :
Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-18.117 : lorsqu’une rupture conventionnelle intervient après un licenciement verbal, la convention homologuée se substitue à la rupture initiale.
Cass. soc., 25 juin 2025, n° 24-12.096 : la découverte d’une faute grave après homologation n’annule pas la convention, mais permet un licenciement anticipant la date prévue, sans priver le salarié de l’indemnité spécifique.
III. Indemnité spécifique, coût et fiscalité
L’article L.1237-13 du Code du travail impose le versement d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle, qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement (art. L.1234-9) ou conventionnelle si elle est plus favorable.
Le calcul repose sur l’ancienneté et le salaire de référence :
¼ de mois de salaire par année d’ancienneté pour les dix premières années,
⅓ de mois au-delà.
Un salarié avec douze ans d’ancienneté et un salaire brut de 2 500 € percevra ainsi environ 3,16 mois de salaire (Cass. soc., 3 juill. 2019, n° 18-14.414, rappelant l’application stricte du barème légal).
La négociation permet d’aller au-delà du minimum. Mais si l’indemnité est dérisoire, l’homologation sera refusée (CE, 27 mars 2019, n° 417206).
Sur le plan fiscal et social, l’indemnité est exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales dans la limite de l’indemnité légale ou conventionnelle, ou dans des plafonds supérieurs fixés annuellement (art. 80 duodecies CGI).
Exception importante : si le salarié est en droit de liquider sa retraite, l’indemnité est soumise à l’impôt et aux cotisations dès le premier euro (Cass. soc., 3 juill. 2019, préc.).
Depuis le 1er septembre 2023, une contribution patronale de 30 % est due sur la part de l’indemnité exonérée de cotisations (art. L.137-15 CSS), remplaçant l’ancien forfait social de 20 %. Ce surcoût impacte directement le coût global pour l’employeur.
IV. Bonnes pratiques pour sécuriser la rupture conventionnelle
Côté employeur
Organiser au moins un entretien réel, avec preuve de convocation.
S’assurer que le consentement est libre, sans pression ni menace.
Vérifier le droit à assistance du salarié et consigner sa décision.
Conserver un justificatif de remise d'un exemplaire signé de la convention et surveiller les délais.
Calculer l’indemnité selon le barème légal ou conventionnel et éviter toute insuffisance.
Respecter les délais de rétractation (15 jours calendaires) et d’homologation (15 jours ouvrables).
Anticiper le coût de la contribution patronale de 30 %.
Côté salarié
Vérifier que l’indemnité proposée atteint le minimum légal ou conventionnel.
Évaluer l’impact fiscal, notamment à l’approche de la retraite.
Ne pas hésiter à exercer le droit de rétractation en cas de doute.
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